Fiction colorée

Né en 1952, Pascal Kern vit et travaille à Paris. Après avoir surtout réalisé sculptures et installations, il a adopté pour medium favori, depuis 1983, la photographie. Photographie qui reste liée chez Kern au monde de la sculpture puisqu’elle sert à fixer de façon durable des « compositions » complexes, raffinées et étudiées, d’objets récupérés dans d’anciennes fabriques, sur des terrains vagues ou des chantiers de démolition. La démarche de Pascal Kern commence donc par un acte d’appropriation d’objets « ready-made ». Les objets choisis, moulages de sculptures ou d’éléments de décor, sont à la fois des « multiples », produits par notre civilisation industrielle, des objets oxydés, rouillés, parlant du temps qui passe et des éléments de citations historiques. Loin d’être neutres, les objets collectés par l’artiste le sont en fonction de leur « potentialité fictionnelle » et de la relation émotionnelle que Kern peut établir avec eux. Puis intervient la phase de l’installation, de l’assemblage construit des pièces, disposées en fonction de leur forme, de leur couleur et de leur texture. Ensuite l’artiste, ponctuellement, avec des crayons de couleur, colorie certains objets placés au sein de la composition. En dernier lieu, il réalise la reproduction photographique, donnant aux tirages photographiques une dimension correspondant au format exact des objets. Le travail de Pascal Kern, ambigu et à la lisière de plusieurs arts, peut aussi bien s’interpréter comme photographie que comme sculpture ou comme peinture, par le passage de la tridimensionnalité à la bi-dimensionnalité, par l’intervention réelle du dessin et l’allusion immédiate aux natures mortes peintes du XVIIème siècle. Kern joue de cette ambiguïté qui, dans la pièce appartenant au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg, s’accompagne d’une sorte de trouble de la perception de l’espace dû au jeu d’inversion des objets, d’un panneau du diptyque à l’autre. Dans « Fiction colorée » les moulages en fonte, en ronde bosse, sont vus de face puis de dos, « comme si l’espace de la sculpture se retournait comme un gant, vers l’intérieur, vers son creux, vers sa trace qui en est l’espace complémentaire ».