Job raillé par sa femme

© Conseil départemental des Vosges / photo Bernard Prud’Homme

Domaine : Beaux-Arts

Titre : Job raillé par sa femme

Auteur / Exécutant : Georges de La Tour

Date : Vers 1630

Matière et technique : Huile sur toile

Dimensions : Longueur :    Largeur : 97 cm   Hauteur : 144,5 cm   Diamètre :   

Musée : Musée départemental d’art ancien et contemporain – MUDAAC – Épinal (88)

Numéro d'inventaire : Don, 1829 - Inv. L.I.86

Descriptif

Le tableau de Georges de La Tour est aujourd’hui l’un des chefs-d’œuvre du Musée départemental d’Art ancien et contemporain d’Épinal. Fondé en 1822 par le Conseil général des Vosges, ce musée conserve une riche collection de peintures provenant notamment du château des Princes de Salm dont les biens ont été confisqués en 1793, au lendemain de la Révolution française. C’est à l’un des premiers présidents du Conseil général, Claude Antoine Gabriel duc de Choiseul-Stainville (1760-1838), que l’on doit l’entrée de ce tableau au Musée départemental. En effet, en 1829, le duc de Choiseul-Stainville fait don au musée de vingt-cinq tableaux qu’il avait acquis auprès du collectionneur Martin-Nicolas Krantz (né en 1774), parmi lesquels figure Job raillé par sa femme. Cette huile sur toile est reportée dans l’acte de donation du 31 août 1829 sous ce libellé : « Un tableau représentant une femme qui visite un prisonnier. » En 1832, le premier conservateur, Jean-Antoine Laurent (1763-1832), mentionne ce tableau dans l’inventaire sous cet intitulé : « Une femme vêtue d’une robe rouge et tenant une lumière de la main droite parle à un homme à moitié nu, assis à terre. Elle semble lui indiquer le moyen de s’évader. »

En l’absence de signature, ce tableau est considéré tout au long du XIXe siècle comme l’œuvre d’un anonyme caravesque Italien. En 1922, à la suite de la redécouverte du peintre par Hermann Voss, Louis Demonts propose de l’attribuer à Georges de La Tour (Demonts, 1922, p. 60-61). Cette attribution ne sera confirmée qu’en 1972, lors de la restauration du tableau et la découverte de la signature du maître, en bas à droite, G[eorges] de La Tour fec[it]. Contrairement à certaines œuvres comme La Découverte du corps d’Alexis qui sont mentionnées dans le livre de compte du peintre, le titre original de ce tableau demeure inconnu. Lors de sa présentation en 1934 dans l’exposition du musée de l’Orangerie « Les maîtres de la réalité en France au XVIIe siècle », Charles Sterling abandonne les anciennes interprétations, en l’absence d’éléments permettant d’accréditer l’hypothèse d’une scène de prison, et propose plutôt qu’il s’agisse de La Délivrance de saint Pierre (Sterling, 1935 ; Philippe, 1935).

En 1935, la scène représentée est rapprochée d’un passage de l’Ancien Testament Job raillé par sa femme (Lafond, 1935 ; Ronot, 1935 ; Weisbach, 1936) : « Et Satan se retira de devant la face de l’Éternel. Puis il frappa Job d’un ulcère malin, depuis la plante du pied jusqu’au sommet de la tête. Et Job prit un tesson pour se gratter et s’assit sur la cendre. Sa femme lui dit : Tu demeures ferme dans ton intégrité ! Maudis Dieu, et meurs ! Mais Job lui répondit : Tu parles comme une femme insensée. Quoi ! nous recevons de Dieu le bien, et nous ne recevrions pas aussi le mal ! En tout cela Job ne pécha point par ses lèvres. » (Job, 2, 8-10)

Georges de La Tour représente ici une femme majestueuse et élégante, occupant l’essentiel de l’espace et captant la lumière de la bougie qu’elle tient de la main droite. De la main gauche, en position interrogative, elle s’adresse à Job, assis sur un banc. La pauvreté du vieil homme s’exprime par un grand dépouillement et un bol ébréché à ses pieds. La nudité du personnage accentue sa vieillesse et sa maladie, mais son regard exprime néanmoins toute la foi qu’il conserve en Dieu.

Considéré comme l’un des tableaux les plus emblématiques du travail de Georges de La Tour sur la lumière, sa datation a fait l’objet de vifs débats, renforcés par le fait que son état de conservation permet difficilement d’en appréhender le détail de la conception. Œuvre de jeunesse pour certains (Cuzin et Rosenberg, 1997, p. 160), la stylisation du trait et sa puissance d’inspiration ont amené Jacques Thuillier à y voir un travail de la maturité, l’aboutissement d’une carrière d’artiste (Thuillier, 2012, p. 294). Jean-Pierre Cuzin y reconnaît quant à lui un des premiers nocturnes réalisés par La Tour au début des années 1630.

Au sein des collections du Musée départemental, le tableau de Georges de La Tour est l’une des peintures majeures de l’école lorraine et française des XVIIe-XVIIIe siècles, aux côtés des œuvres de Claude Gellée, Simon Vouet, Jacques Stella, Laurent de La Hyre ou encore Jean Jouvenet.

Thierry Dechezleprêtre

Bibliographie

- DEMONTS Louis, « Georges du Ménil de La Tour, peintre lorrain au début du XVIIe siècle », Chronique des arts et de la curiosité, n° 8 (30 avril), 1922, p. 60-61.
- LAFOND Jean, « Le tableau de Georges de La Tour au musée d’Épinal. Saint Pierre délivré ou Job et sa femme ? », Bulletin de la société de l’histoire de l’art français, 1935, p. 11-13.
- PHILIPPE André, « Georges de La Tour », Le Pays Lorrain, n° 7 (juillet) 1935, p. 311-320.
- RONOT Henry, « De Georges de La Tour à Maurice Quentin de La Tour », Beaux-Arts, n° 110 (8 février), 1935, p. 2, col. 1 et 2.
- WEISBACH Werner, « L’histoire de Job dans les arts. À propos du tableau de Georges de La Tour au musée d’Épinal », Gazette des Beaux-Arts, 1936, p. 102-112.
- THUILLIER Jacques, Georges de La Tour, Paris, Flammarion, 1992, 2012, p. 293-294.
- CUZIN (Jean-Pierre) et ROSENBERG (Pierre) (dir.), Georges de La Tour [cat. exp., Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 3 octobre 1997 - 26 janvier 1998], Paris, Réunion des musées nationaux, 1997, p. 158-160.
- GEORGEL (Pierre), Orangerie, 1934 : Les « peintres de la réalité » [cat. exp., musée de l’Orangerie, Paris, 2006-2007], Paris, Réunion des musées nationaux, 2006.
- CHONÉ (Paulette), Notice « Job and his Wife » in SALMON (Dimitri) et ÚBEDA DE LOS COBOS (Andrés) (dir.), Georges de La Tour [cat. exp., Madrid, Musée national du Prado, 23 février - 12 juin 2016], Madrid, Prado, 2016, p. 132-133.
- CUZIN (Jean-Pierre), La Tour, Paris, Citadelles & Mazenod, 2021, p. 180.

Musée départemental d’art ancien et contemporain – MUDAAC – Épinal (88)

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