Monument à la mémoire de Martin Schongauer

Conçu par un Bartholdi fort jeune encore, en 1857 , exposé au Salon de 1861 , érigé dans le préau du cloître d’Unterlinden en 1863, le Monument à la mémoire de Martin Schongauer, hommage au grand artiste rhénan éponyme de la société savante fondatrice du musée d’Unterlinden, était une fontaine dans le goût néo-gothique, ornée de cinq sculptures : celle d’amortissement figurant Martin Schongauer , les quatre autres, des allégories, savoir l’Orfèvrerie, la Gravure, la Peinture et l’Etude. En 1958, le monument fut démembré. De la fontaine proprement dite, ne subsistent plus que des tronçons. Les quatre statuettes allégoriques furent à l’époque déposées au musée Bartholdi où elles sont toujours conservées. La statue représentant Schongauer, après avoir sommeillé plus de trente ans dans un coin des ateliers municipaux, fut installée en 1991, année de la commémoration du cinquième centenaire de la mort du « Beau Martin » devant les bâtiments conventuels d’Unterlinden pour l’agrément desquels elle avait été jadis conçue. Le sculpteur a représenté Martin Schongauer dans l’exercice de l’une des nombreuses activités artistiques qu’avait pratiquées celui-ci, savoir la gravure. L’on assiste à l’ultime phase de l’opération : Schongauer détache délicatement d’une plaque de cuivre gravée une épreuve de son estampe. La plaque de cuivre repose dans la main et sur l’avant-bras gauche de la statue. De telles plaques sont d’ordinaire fragiles. Elles se rayent aisément. Il convient donc à celui qui les manipule de se montrer précautionneux, ce que n’ignore point Bartholdi qui tire adroitement parti de cette connaissance. Le devant de la houppelande porté par Schongauer est troussé de manière à former dessous la plaque un bourrelet protecteur dont on distingue le léger « bouillonnement » au niveau de l’avant bras gauche. Ainsi la houppelande se plisse-t-elle en un drapé dont le mouvement rend sensible la station hanchée du personnage, ce qui a pour effet — recherché par le sculpteur — d’annihiler, du moins de réduire, l’inertie propre aux statues colossales représentant des sujets dont le corps semble absent sous l’ampleur de leur vêtement. Outre la houppelande à manches larges, serrée à la taille par une ceinture garnie d’une escarcelle, Schongauer porte un pourpoint dont seul le col droit est apparent au niveau du cou. Il est coiffé d’un chaperon à cornette ou liripipion dont le pendant d’étoffe rejeté derrière l’épaule gauche forme plis, et chaussé de poulaines. Au demeurant, la statue de Bartholdi est terriblement « romantique » en vertu de l’irrationnelle association d’un costume médiéval minutieusement rendu, habillant un corps en posture « classique ».