Paire de consoles rocaille

Selon l’usage du 18^e siècle, qui fut généralement adopté dans toutes les pièces des Grands Appartements du Palais Rohan, à l’exception de la salle du Synode, les trumeaux d’entre-fenêtres étaient pourvus chacun d’une console en bois doré à « table » de marbre destinée à supporter une girandole. Les trois inventaires du mobilier des Cardinaux de Rohan, dressés en 1749, 1779 et 1790 dans leur résidence strasbourgeoise, en font foi. Lorsque, sous la Révolution, on enleva les meubles du palais pour les vendre aux enchères, entre 1793 et 1795, les pattes métalliques qui retenaient les consoles laissèrent dans les boiseries des trous que l’on boucha sommairement mais qui sont encore visibles en certains endroits. Appelé à visiter, quelque temps avant sa vente, une propriété d’Alsace, j’ai eu la surprise d’y découvrir une paire de superbes consoles dorées d’un style très particulier, caractérisé par des formes fortement mouvementées et surtout par un répertoire ornemental « rocaille » tellement proche de celui des boiseries des Grands Appartements qu’il eût suffi à lui seul à faire présumer que ces meubles très opulents en provenaient. D’autres éléments transformaient cette présomption en certitude absolue: la présence d’une macle  – sigle héraldique en forme de losange tiré des armoiries de la maison des Rohan – à la partie supérieure de chaque pied, celle d’un marbre de brèche violette, précisément indiqué par l’inventaire de 1779 pour les consoles du Salon d’Assemblée, les dimensions, ensuite, parfaitement compatibles avec celles des panneaux du bas-lambris de cette pièce et, enfin, les traces du système de fixation d’origine. Celui-ci était de toute évidence rivé primitivement sur deux traverses de bois passant sous le marbre. Ces traverses avaient disparu, mais les mortaises où se logeaient leurs extrémités en queue d’aronde existaient toujours et il suffisait de prendre la distance entre le milieu de chaque mortaise pour obtenir très exacte­ment l’écartement des trous de fixation de la boiserie. Les propriétaires de ces consoles consentirent à les céder au musée où elles reprirent, après presque deux siècles d’absence, la place pour laquelle elles avaient été créées.