Piano à queue, La Mort du cygne

L’exposition universelle de 1900 fut pour Louis Majorelle (Toul 1859 – Nancy 1926) la confirmation d’une reconnaissance nationale et internationale. « Il est, en un mot, l’homme par excellence du meuble français moderne dans le genre riche et orné », écrit O. Gerdeil dans L’Art décoratif en octobre 1901, à propose des œuvres exposées, dont la variété et la qualité lui valurent des récompenses officielles. Commence alors la période la plus fastueuse de la production de Majorelle. En véritable chef d’entreprise, il est tout à la fois créateur de meubles, architecte d’intérieur, entrepreneur à la tête d’une affaire familiale comprenant des ateliers d’ébénisterie, de ferronnerie et de décoration sur tissus. En 1904, le rachat du fameux magasin de Siegfried Bing, L’Art nouveau, 22, rue de Provence à Paris, parachève la stratégie commerciale de la société Majorelle Frères. Entre ces deux dates est mis au point un système de production caractérisé par une double orientation : d’une part, des meubles de luxe réalisés en peu d’exemplaires, destinés à des commandes particulières ou exposés au Salon ; d’autre part, des modèles plus courant exécutés en séries et diffusés par les catalogues commerciaux.

Ce piano appartient assurément à la première catégorie. Cinq exemplaires connus ont été réalisés par le facteur Erard, dont trois possèdent un décor similaire. Victor Prouvé (Nancy 1858 – Sétif 1943) est l’auteur des dessins des marqueteries. C’était en effet une tradition chez les Majorelle d’associer les amis peintres aux pièces de prestige. Le langage de Prouvé plasticien recourt ici aux symboles et à l’allégorie pour évoquer le dernier chant du cygne ; l’utilisation d’une palette riche en couleurs en accentue la lisibilité. La conception du meuble est de Louis Majorelle, seul. Son originalité réside dans l’apport dynamique du piétement, qui paraît soulever le piano plus qu’il ne le supporte, comme pour accentuer, par un mouvement ondoyant, la référence au monde aquatique.

Découvrez ce piano hors du commun dès l’entrée du musée de l’Ecole de Nancy.