Georges de La Tour dans les collections des musées du Grand Est - Les copies

Le veilleur à la sacoche

Présentation

Si seule une quarantaine de toiles autographes nous sont parvenues, l’œuvre de Georges de La Tour nous est aussi connu par des copies dont le nombre est assez proche, quoiqu’un peu plus élevé, de celui des originaux. Ces reproductions, de nature et de qualité très variées, viennent largement enrichir le corpus du maître lorrain et nous en apprennent davantage sur sa production.

Les copies les plus intéressantes, car les plus proches, du point de vue du style, des toiles autographes, sont les productions de l’atelier de Georges de La Tour. En effet, à partir de 1620 et de son installation à Lunéville, le peintre se fait aider par des apprentis qui lui sont liés par des contrats, conclus la plupart du temps sur plusieurs années. Les archives nous permettent ainsi de retrouver la trace de cinq novices formés par La Tour à l’art de la peinture : Claude Baccarat, Charles Roynet, François Nardoyen (qui était son neveu), Chrétien George et Nicolas Didelot, entrés respectivement en apprentissage en 1620, 1626, 1639, 1643 et 1648.

Il convient de signaler en outre la part importante prise par le second fils du maître, Étienne de La Tour, dans la production de l’atelier au cours des dernières années de carrière de Georges de La Tour. C’est en 1646 qu’Étienne est pour la première fois qualifié de peintre dans un document citant « les sieurs de La Tour père et fils, peintres, demeurant à Lunéville ». L’existence de l’atelier permet une plus large diffusion des œuvres de Georges de La Tour, par-delà les frontières de la Lorraine.

La grande qualité de ces copies d’atelier peut cependant rendre difficile leur distinction avec les originaux eux-mêmes. Ainsi, La Découverte du corps de saint Alexis du Musée lorrain a d’abord été considéré de façon unanime comme un original avant de se voir octroyer le statut de copie d’atelier. Les spécialistes se rejoignent sur le fait qu’il est particulièrement difficile de discerner les toiles réalisées par Étienne, qui devait peintre tout à fait dans la manière de son père. Jacques Thuillier remarque toutefois, sur quelques-unes de ses productions, certaines lourdeurs et, surtout, le manque de « conviction profonde qui anime les véritables créations ». Le Saint Jérôme lisant du Musée lorrain notamment serait une toile revenant, au moins en partie, à Étienne, ce que semble avoir confirmé la radiographie de l’œuvre.

En effet, seules des études poussées, couplant imageries et analyses chimiques de pigments, peuvent permettre de juger du statut d’une œuvre et décider si elle relève des originaux, des productions d’atelier ou si elle est appelée à rejoindre la catégorie des simples copies. Ces dernières, de qualité certes inférieure aux œuvres produites par les apprentis du peintre en bénéficiant de son génie pour les guider, n’en sont pas moins importantes pour notre connaissance du corpus de Georges de La Tour.

Certaines copies sont en effet les seuls témoignages connus d’originaux perdus. C’est par exemple le cas de la très bonne version des Larmes de saint Pierre déposée au musée Georges de La Tour. De plus, le nombre de copies d’une même toile nous étant parvenues nous renseigne sur la diffusion et donc le succès de tel original. Plusieurs copies anciennes du Souffleur à la pipe, dont celle conservée par le Musée lorrain, témoignent ainsi de la célébrité de l’œuvre. Les différentes variantes d’un même thème, décliné parfois en de multiples copies, attestent également de l’importance prise par certains sujets dans les commandes passées à La Tour. Très nombreuses sont à titre d’exemple les versions de Madeleine, avec entre autres La Madeleine au miroir de Nancy, dans un contexte religieux de dévotion à la figure de la pécheresse repentie. Enfin, même des copies de piètre qualité permettent d’avancer dans notre connaissance et notre compréhension de l’œuvre de La Tour. C’est le cas de la reproduction des Mangeurs de pois conservée par le Musée lorrain, qui permit de confirmer que le couple de vieillards était à l’origine rassemblé sur une même toile, alors que l’original conservé à Berlin fut retrouvé coupé verticalement en deux, les deux figures étant alors séparées.

Productions d’atelier, copie anciennes, répliques de piètre qualité, quel que soit leur statut, ces œuvres demeurent toutes primordiales pour l’analyse du corpus du maître lorrain, chacune venant apporter quelque information supplémentaire sur un œuvre qui reste somme toute bien trop lacunaire. Si le nombre assez important de reproductions nous console quelque peu, des aspects entiers de l’activité de Georges de La Tour nous échappent encore de façon certaine.

Margaux Gallani