LE MONT HABEND,VIVRE DANS UN MONASTÈRE AU HAUT MOYEN ÂGE - Histoire abrégée du Saint-Mont

Présentation

Partagé entre les communes de Saint-Étienne-lès-Remiremont et de Saint-Amé, le Saint-Mont, à l’extrémité sud du massif du Fossard, est un site de hauteur isolé qui domine, à 675 m d’altitude, le piémont vosgien arrosé par les eaux de la Moselle et de la Moselotte.

C’est à son sommet qu’Amé et Romaric installent un monastère au début du VIIe siècle. Leurs Vies, écrites sitôt leurs décès pour les sanctifier, en constituent les premières sources. L’un et l’autre sont issus de la grande aristocratie. Le premier, originaire du pays grenoblois, est d’abord moine puis ermite durant de longues années à Saint-Maurice d’Agaune dans le Valais (Suisse) avant de rejoindre la jeune abbaye de Luxeuil (Haute-Saône), fondée à la fin du VIe siècle, par Colomban. Il y rencontre le second, fils d’une puissante famille messine qui s’était fait dépouiller par la reine Brunehaut (547-613) de son patrimoine foncier. Romaric le récupère par l’entremise du roi Clotaire II (584-629) auquel il avait accordé son soutien, puis le cède à l’abbaye de Luxeuil lorsqu’il y entre en religion, sauf un domaine qu’il se réserve. C’est là, aux confins de la Bourgogne et de l’Austrasie, que les deux hommes, en conflit avec leur abbé, Eustaise, mais avec son accord, s’établissent au « désert », c’est-à-dire à l’écart des populations, d’abord en un lieu qui reste à identifier mais qui pourrait être Dommartin, puis en pleine forêt, au sommet du mont Habend, dans un castrum, dont le terme, désigne aussi bien un site dé­fensif, qu’une petite agglomération de hauteur ou une simple exploitation agricole de montagne.

Ce monastère primitif était-il exclusivement féminin, comme il est explicitement écrit dans la Vie de saint Romaric, ou s’agissait-il d’un monastère double, com­parable à d’autres fondations contemporaines, comme le suggère un autre passage de la même Vie, dans le­quel est évoquée la présence simultanée de frères et de soeurs ? Si l’on ne sait rien de l’importance de la com­munauté masculine qui pouvait se réduire à un collège de quelques prêtres encadrants, les religieuses étaient, dès l’origine, d’après le Liber memorialis, au nombre de 84, réparties en sept choeurs de douze qui se relayaient journellement pour assurer la louange perpétuelle (laus perenis).

La première période monastique du Saint-Mont, du VIIe au IXe siècle, est à la fois la plus courte et la plus densément peuplée. Avec 369 religieuses et un volume d’artefacts correspondant à plus de 70% du total, elle se démarque très nettement de la deuxième phase, celle de la petite communauté priorale de chanoines régu­liers de saint Augustin qui s’y installe dès la seconde moitié du XIe siècle et qui est remplacée, au début du XVIIe siècle, en pleine Contre-Réforme, par des cha­noines de la congrégation bénédictine de Saint-Vanne et Saint-Hydulphe. Au cours de cette longue période du­rant laquelle le site deviendra définitivement le « Saint-Mont », une dizaine de religieux tout au plus y vit sous la direction d’un prieur, avec pour principales missions, de faire prospérer le patrimoine foncier et d’entretenir, grâce aux revenus que procurent les pèlerinages, la mé­moire du premier établissement et de ses fondateurs. Une page se tourne définitivement avec la Révolution française qui met un terme à près de douze siècles de vie monastique que la cupidité des acquéreurs fait dis­paraitre en quelques décennies.

Fig. 4 – Carte topographique des bois appartenant au prieuré du Saint-Mont, vers 1777, papier, encre et aquarelle (détail). Archives départementales des Vosges, 2 Fi 3442